Correspondance d’Alphonse de Lamartine : suppléments (1811-1866) / textes réunis, classés et annotés par Christian Croisille, Champion, 2007 (Coll. Textes de littérature moderne et contemporaine), 608 p.
Après le dernier volume de la Correspondance générale de Lamartine paraît à présent le premier volume de « Suppléments », qui rassemble 650 textes ou billets en quasi-totalité inédits, écrits entre 1811 et 1866. Cet ouvrage est tout d’abord intéressant parce qu’il témoigne de l’histoire de l’édition des correspondances. Pour la constitution du volume, le principal apport est constitué d’une partie des archives familiales entrée par dation en 2004 à la Bibliothèque nationale. Au moment des premières éditions de la correspondance, établies par la famille de Lamartine en 1873 et 1882, il semblerait que ce soit l’absence de mention du destinataire et/ou de la date qui ait motivé la mise à l’écart de nombreuses lettres, ainsi que le caractère irrégulier de l’échange et/ou le relatif anonymat des destinataires. Le fragment trouve aujourd’hui pleinement sa place et sa raison d’être dans les volumes de lettres. Par ailleurs, Valentine de Lamartine semble avoir éliminé les textes où le poète évoquait, parfois très longuement, tout ce qui touche à l’argent, aux dettes et aux emprunts qui l’occupent pendant la fin de sa vie. On voit bien ici encore toute l’évolution qu’a connue l’histoire de l’édition des correspondances, que l’on cherche aujourd’hui à publier sans parti pris. C’est également bien sûr ce qui fait toute la valeur d’une édition scientifique. Le second apport documentaire est constitué par des missives retrouvées dans les réserves de deux musées, dont le musée Lamartine à Mâcon. On apprend donc qu’il reste encore des dépôts incomplètement inventoriés, ainsi que des collectionneurs auprès desquels il n’a pas été possible d’obtenir les textes. D’autres volumes de « Suppléments » devront de ce fait venir encore compléter les 13 tomes de cette correspondance. Ce livre témoigne par ailleurs de l’utilité de tout publier, car les lettres qui sont données à lire continuent à nous intéresser, affinant encore le portrait du poète que les précédents tomes nous avaient permis de dessiner. Dans la catégorie des correspondances familiales, cet ouvrage présente notamment des courriers du père de Lamartine, que nous connaissions moins que sa mère avec laquelle le poète entretenait des liens très étroits. Il est toujours question de littérature naturellement. Christian Croisille attire par exemple notre attention sur une lettre à Alexandre de Vaux qui éclaire sur les circonstances de composition d’un texte des Harmonies religieuses. Certaines missives nous montrent le détail de l’écriture de textes moins connus, l’ode Contre la peine de mort notamment, que le poète donne à relire et à corriger à ses proches. Des lettres sont échangées avec de grands écrivains, qui n’apparaissaient pas ou très peu dans les volumes précédents, tels Chateaubriand, George Sand, Frédéric Mistral ou Eugène Sue. Il est certes parfois énormément question d’argent, mais ces échanges ne manquent pas d’intérêt. Ils nous donnent à connaître Lamartine dans cette quotidienneté banale dont nous avons parlé dans nos précédentes chroniques, et sur le charme de laquelle nous avons insisté. Ils nous renseignent aussi sur la littérature dans sa dimension financière et commerciale, en nous donnant à voir avec une extrême précision les questions portant sur la propriété, les droits et les bénéfices littéraires.
On dit parfois qu’une correspondance générale ne s’achève jamais. C’est sans doute aussi que la curiosité de ceux qui aiment les lettres ne s’émousse pas facilement. Nous attendons donc avec plaisir le prochain volume.
S. ANTON