Flora Mele, L’Atelier dramatique de Charles-Simon Favart d’après ses manuscrits , thèse, Paris IV Sorbonne-CELLF, 2008, 367 p.
Charles-Simon Favart fut un dramaturge prolifique et un homme de théâtre polyvalent travaillant tout au long du XVIIIe siècle. À la fin du manuscrit de son « premier essai de jeunesse », il nota ces mots : « bon à jeter au feu ». Cette affirmation fut répétée plusieurs fois dans d’autres manuscrits ; était-elle symptomatique du peu d’importance que l’auteur attachait au texte écrit, ou bien, cachait-elle autre chose? C’est la question que nous nous posions au début de notre recherche et du dépouillement des archives manuscrites de Favart. Notre recherche a permis de mettre en lumière qu’il considéra l’écriture théâtrale comme un travail de « recyclage » et de remaniement de son répertoire. Il ne jeta pas ses manuscrits au feu, au contraire, il les conserva pour les réutiliser, et ceux-ci constituèrent la matière première de son travail comme un « bon magasin de choses faites ». Pour l’auteur, la pièce était comme un métier à tisser permanent dont la base était savamment conservée. Il s’agissait d’une technique se rapprochant du pastiche, dans l’acception d’une imitation volontaire, menant à la variation sur thème. Grâce au aux correspondances de Favart qui étaient aussi le lieu où l’auteur expliquait son ambition à donner à la parodie un statut de véritable « poétique », nous avons pu préciser son itinéraire dramaturgique et ses relations de travail et mondaines. En effet, à partir de 1759, Favart entretint des rapports épistolaires avec la cour de Vienne, ce qui lui permit d’être conseiller culturel de l’intendant des spectacles de l’Empire. De cette façon, il eut la possibilité de faire jouer ses pièces sur les théâtres de la capitale et de « collaborer » avec Gluck. La correspondance avec le comte de Durazzo représente la plus grande partie d’un recueil de Mémoires et Correspondances1 de Favart publié en 1808. Elle naît du besoin du comte de Durazzo de connaître la réalité théâtrale parisienne. Le noble, d’origine génoise, avait pensé s’adresser à Favart, le considérant comme un homme assez discret et modéré ainsi qu’un véritable intellectuel et mondain parisien. Ces lettres restent une bonne source d’informations sur les spectacles parisiens et sur les Querelles littéraires de l’époque. Favart inaugura, d’ailleurs, le cycle des réadaptations d’œuvres mineures de Voltaire et entretint avec lui des relations épistolaires qui attestent de l’évolution de leur rapport au fil du temps. Ainsi, à travers la correspondance de Favart avec Voltaire, et avec l’abbé de Voisenon, il est possible de comprendre leurs positions respectives au sujet de nombreux problèmes liés à l’écriture dramaturgique. Grâce aux correspondances de Favart nous avons retracé tout un réseau de relations, en particulier celles liées au cercle du Caveauet plus tard de la Dominicale. Les correspondances de Favart demeurent une source importante concernant ses relations internationales (Goldoni, Garrick, Monnet) elles permettent d’analyser certains détails sur les spectacles de Favart et sur l’art théâtral au XVIIIe siècle.
1 Charles-Simon Favart, Mémoires et Correspondance littéraire dramatique et anecdotique, éd. Antoine-Charles Favart et H. F. Dumolard, Paris, Dumolard, 1808.